Le Mag

Double identité

 

Voici un petit lexique ( d'humeur ) des surmons parfois savoureux attribués à certains joueurs célèbres. On ne retiendra pas les surnoms qui sont de simples déformations du nom ( comme T.P., Sabas, TAW... ) mais ceux qui rappellent une particularité du jeu ou de la personnalité

La mouche atomique

Voici un infame insecte. Gianmarco Pozzecco est surtout une teigne. Le deuxième meilleur meneur d'Italie aurait pu devenir l'un des meilleurs joueurs d'Europe. Défenseur décoloré mais hargneux et increvable, à 100 % dans le match, intimidateur, voleur de ballon monté sur une pile électrique, meneur en survitesse, Pozzecco avait tout pour tenter les plus grandes équipes italiennes. Il les tenta, mais elles ont vite compris. Individualiste à compteur, il s'ingénie à ne pas appliquer les consignes du coach, pète un plomb en plein match, incendie ses partenaires quand on ne lui rend pas le ballon ou quand on lui passe le ballon. Carlton Myers est blessé, une aubaine pour Pozzecco ?? Non. Il ne mènera pas l'équipe d'Italie championne d'Europe 99 à la reconquète de son titre en 2003. L'entraineur national connait la bête, il préfère sortir l'insecticide et faire confiance au jeune Bulleri. Il a bien raison. En stage de préparation, après avoir séché les réunions d'avant-match, fait le coup de poing avec un partenaire, le moucheron irradié a volé le minibus de l'équipe nationale et s'est enfui dans la nuit. Authentique !

Le roi, le cerveau, Rigodon't

Antoine Rigaudeau, meilleur joueur français des années 90 fut d'abord surnommé "le Cerveau" autant à cause de sa tête perpétuellement penchée comme le personnage de Peter Sellers donnant la réplique à Belmondo et Bourvil que pour son jeu cérébral et froid. Précoce, il affronte les meilleurs professionnels français avec Cholet à 16 ans, est élu quatre fois meilleur joueur français avant 23 ans. Champion de France avec Pau, il signe à Bologne où il devient le Roi, à cause de sa gestuelle majestueuse et sa capacité à diriger l'équipe sans élever le ton. Deux fois Champion d'Italie, deux fois Champion d'Europe, sélectionné eurostars en 1998 et 1999, vice-champion olympique à Sydney, en 2002, Bologne au bord de la faillite, Rigaudeau trouve à Dallas le contrat NBA qu'il n'attendait plus. Mais, il parvient pas à s'imposer dans une équipe qui n'était pas faite pour lui, signant au passage un méchant 20 % aux tirs. Pour le supporter texan, il devient injustement "Rigodon't ", "le Rigaudeau qui n'y arrive pas" . Il signe en 2003 à Valence en Espagne avec une soif de revanche que royalement, il n'extériorisera pas.

La Liane

Yann Bonato n'est pas le fils de son père. Jean Claude Bonato était un intérieur grand et massif, mais nez fin, longtemps pilier de l'équipe de France. Le fils est un fil de fer désarticulé, au style peu académique mais terriblement efficace, capable de passer dans un trou de souris pour marquer, de grimper aux arbres des raquettes comme une liane. A croire qu'il a appris le basket seul sur un play ground . Défenseur suspect, Bonato vit en marge de l'équipe de France , lui qui passa pourtant 45 point à la Yougoslavie lors des championnat d'Europe de 1995. Cela aurait pu être le plus grand gâchis français, mais en 2000, dans un Limoges en faillite, il se révèle un meneur d'homme extraordinaire encourageant ses partenaires à poursuivre la saison sans être payés, il offre au club moribond les titres de champion de France, vainqueur de la Coupe de France et vainqueur de la Coupe Korac. Du jamais vu. Après un passage irrégulier à Villeurbanne, il revient en 2003 à Limoges pour une nouvelle histoire d'amour.

La Panthère rose , el Flaquito

Les panthères roses naissent sur les bords de l'Adriatique. A la fin des années 80, l'Europe du basket découvre Toni Kukoc, un adolescent longiligne, cachet d'aspirine un peu courbé mais à l'allure féline. Basketteur inclassable, il sait tout faire selon la demande de son entraîneur, peut jouer à tous les postes. Celui que les Espagnols appellent el Flaquito, le Maigrichon brille au milieu d'autres étoiles au Jugoplastica de Split et devient deux fois champion d'Europe.
Deuxième épisode, Barcelone 1992, les Jeux olympiques , la Dream Team des Jordan, Johnson, Bird écrase tout. En finale, un pays jeune d'un an, la Croatie tente de résister. Mais un match dans le match intéresse davantage les spectateurs. Scottie Pippen a décidé de fêter la bienvenue en NBA à Kukoc, lui donnant un avant-goût des défenses auxquelles il aura affaire. Il faudra plusieurs années avant que le Croate ne gagne le respect des Bulls.
Troisième épisode, mai 1993, un matin, Kukoc est assis sur les marches d'un aéroport. Il pleure. La veille, pour son dernier match en Europe, il reste moins de quinze secondes, le Benetton Trévise mené de deux points confie les clés à sa Panthère rose pour un ultime tir qui ne viendra pas. Seul face à la meilleure défense d'Europe, il cherche la solution et se fait voler la balle par Frédéric Forté. Limoges est champion d'Europe.
Dernier épisode, Philadelphie 2003. Kukoc entre dans sa dixième année de NBA. Il n'y a plus de Flaquito. Dès la première année de NBA, il a pris 15 kilos ( muscu et créatine ). Il n'aura jamais été dans la bonne équipe. Remplaçant de luxe des Bulls à l'époque Jordan, il se retrouve seul à tenir la maison chicagoanne après le départ de His Airness et de son lieutenant Pippen. Il fait tout , meilleur marqueur, meilleur passeur, meilleur rebondeur ... Mais Chicago descend en enfer. Kukoc s'en va, on l'échange comme un paquet contre un autre paquet. Il pose son sac à Phila. Et l'équipe se met à gagner.

La main sacrée

Le saviez-vous ? Oscar Schmidt n'est pas éternel. A 45 ans, Oscar Daniel Bezzera Schiimitt ( !! ) vient de prendre sa retraite avec un Guiness Book pour livre de chevet. Car des records, ce maniaque du shoot en a accumulés. International brésilien à 16 ans, il a disputé 5 jeux olympiques, de Moscou en 1980 à Atlanta en 1996 ( trois fois meilleur marqueur ), et quatre championnats du Monde. Après avoir écumé le championnat brésilien ( 4 fois vainqueur de la ligue de Sao Paulo, deux fois champion du Brésil, champion d'Amérique du Sud ), il devient le meilleur marqueur de tous les temps dans le championnat italien ( 12373 points entre 1981 et 1993, et meilleure moyenne sur un an ( 32,9 pt / match ), meilleur marqueur olympique de tous les temps ( 42,4 pts/match à 58 % à Séoul en 1988, et record des points sur un match ( 55 pts contre l'Espagne ) ). Oscar Schmidt n'ira jamais en NBA. En 1987, les New Jersey Nets lui font une offre insultante : les 75 000 dollars du minimum syndical. Douce vengeance, aux Jeux panaméricains à Indianapolis, Oscar passe 46 points àla sélection américaine Après 25 ans de carrière professionnelle , le compteur s'arrête à près de 45 000 points ( record de l'Univers bien sûr , et qui n'est pas prêt d'être battu ). Et encore ne compte-t-on pas les 500 paniers marqués chaque jour avec son épouse, première supportrice et infatigable ramasseuse de balle. Finalement, Oscar Schmidt est éternel.

 

Le mioche de Sibenik, le dragon, le petit Mozart de Zagreb

En 1982, les joueurs de Limoges jouent leur première finale européenne contre Sibenska Sibenik. En face, un jeune shooteur d'à peine 17 ans , insolent et chambreur, reçut une leçon de silence de Jean Michel Sénégal, un vieil international qui en avait vu d'autres, et Limoges l'emporta. L'année suivante, scénario identique. Mais ce sera la dernière fois.
En 1986, Drazen Pétrovic n'est plus un mioche.Il a un nom et a trouvé un club à sa taille, le Cibona Zagreb. En face de la salle, un compositeur autrichien a volé le nom du meneur
croate et l'a collé sur sa pizzéria : " Mozart". De toute façon, la pizzeria a été offerte à Petrovic en cadeau de bienvenue. Là, un soir, dans son antre, Mozart, muselé par les aides limougeaudes, joue de la provoc, se roule par terre, fait disqualifier son chien de garde Greg Beugnot puis enquille les paniers ( 56 points ). Il va même jusqu'à faire un "petit pont " à Billy Knight. La vengeance ...
Sa petite musique de nuit, Mozart la fera ensuite entendre à Madrid. Avec le Real, le croate aligne deux records en finales de coupe d'Europe : 47 points contre Zagreb en finale de Korac 1988, 62 points contre Caserte en 1989 en finale des clubs champions 1989. Le divin enfant qui battra ces records-là n'est pas né.
Sur un autre continent, Mozart croit trouver une salle de concert à sa mesure. Drafté par les Portland Trailblazers, Mozart est devenu Drazen le Dragon, celui qui tire la langue quand il a la balle. Mais ce dragon-là ne crache pas le feu. Barré par le planeur Clyde Drexler, il se morfond, se taille des épaules pour ne plus paraitre un mioche, apprend à défendre, mais joue peu. Il rue dans les brancards, et parvient à énerver tout le monde. On l'envoie à New Jersey, une équipe qui doit lui faire confiance. Excellente affaire. Drazen le Dragon devient en une seule saison un des grands arrières de la ligue ( 20,6 points, 3,1 rebonds, 3 passes décisives ). Mais son caractère brulant reprend le dessus. Il n'est pas sélectionné pour le All-star game en 1993 alors qu'il a encore amélioré sa moyenne ( 22,3 ) mais on lui a préféré Mark Price ( 18,4 points ). Il parle de racisme anti-européen et menace de retourner en Europe où les clubs grecs lui proposent un pont d'or.
Rien de cela ne se fera. Le 7 juin 93, alors qu'il vient de qualifier la Croatie pour l'Euro, le Dragon est tué sur une autoroute allemande barrée par un camion accidenté. On alluma des cierges devant le portrait de Mozart planté sur la façade de sa pizzeria. 20 000 croates accompagnèrent le convoi funèbre jusqu'au cimetière de Zagreb. Chacun récupéra la mort du mort. Franjo Tudjman, le très nationaliste président de ce tout nouveau pays en fit une Jeanne d'Arc croate " Petrovic, légende croate, symbolisera à tout jamais les efforts de notre peuple pour se placer parmi les meilleurs". David Stern la boss de la NBA y va de son couplet " Il a tracé la voie pour que d'autres jeunes internationaux viennent participer avec succès à notre ligue." Ils ont bien raison tous deux mais pas autant que Willis Reed, son patron à New Jersey quand il témoignait " Il avait remué ciel et terre pour devenir le meilleur possible". Epitaphe.

Le Facteur, Le Mailman, Mr Dirty

Karl Malone est un livre des records à lui seul. Pendant 18 ans, aux Utah Jazz, il a distribué les paniers avec la régularité métronomique des postes comme le courrier qu'on apporte chaque matin. Il faut dire qu'il disposait d'un centre de tri du même acabit, John Stockton, petit blanc teigneux comme un poux, et composteur de la passe en recommandé. La tournée du facteur commençait toujours par un pick and roll avec son centre de tri et finissait souvent par un panier . Toute la NBA le savait, les spectateurs mourraient d'ennuis rien que de penser à l'inévitable , mais personne n'a pu arrêter ce manège.
Karl Malone aurait mérité la médaille du travail de l'US Postal, car bodybuidé comme Schwartzenegger, il est un roc indestructible qui n'aura manqué que trois matches pendant ses années chez les Mormons.
Le Mailman aurait pu aussi s'appeler la Boulangère, car il distribua les pains avec une régularité très méritante et un savoir-faire dans les relations humaines tel qu'aucun arbitre ne lui a jamais sifflé de disqualifiante. Un jour, Isiah Thomas dut se faire poser 40 points de suture après un passage à tabac dans les règles par le Monsieur Muscle de Salt Lake City. Son tort, avoir rendu son coup de coude à John Stockton. Quelques années auparavant, lorsqu'il jouait encore avec l'université de Louisiana Tech, Le mailman défigura Dave Ramer, un intérieur de la Rice University, qui finit à l'hopital et ne remit jamais les pieds sur un terrain de basket. D'ailluers, Malone a manqué sa vocation. En 1998, pendant la grève des joueurs, il s'autorisa un match de catch télévisé contre l'autre grand philanthrope de la NBA, Dennis Rodman. Et que croyez-vous qu'il arriva. Malone perdit.

Ce poête dans l'âme, grand amateur de motos et de camions, de pêche et de chasse, défenseur de l'US army et du drapeau américain, a quitté cette année l'Utah pour aller se perdre dans la capitale du show time à la recherche de la seule chose qui lui manque : un titre NBA.

 

 

 

 

his Airness, à suivre !!!